"...les lois Aubry ont satisfait à ces conditions. Et ils tranchent le débat sur le nombre d’emplois créés par les 35 heures : 350 000 entre 1998 et 2002. Pour eux, « les arguments avancés pour contester ces créations d’emploi apparaissent fragiles ». Et « s’agissant de l’effet négatif des lois Aubry sur la compétitivité, aucun élément ne permet de confirmer cette affirmation », poursuivent-ils. Les inspecteurs sont plus critiques sur les politiques qui ont développé le temps partiel, expérimentées en France entre 1993 et 2002. Elles ont créé « au plus 150 000 emplois ». Mais ils estiment qu’un « temps partiel de qualité », autrement dit en CDI, « peut faciliter l’emploi de certains publics » : les populations précaires, les parents de jeunes enfants, les seniors."
L’UGICT-‐CGT publie le rapport de l’IGAS qui propose les 32h
Par une décision inédite et discrétionnaire, la direction de l’IGAS a décidé de censurer un rapport sur la réduction du temps de travail.
Cette décision illustre de la pression de plus en plus importante qui s’exerce sur le contenu du travail des salariés qualifiés en responsabilités et elle remet directement en cause la capacité de l’IGAS à remplir sa mission d’évaluation des politiques publiques, qui nécessite, par principe, l’indépendance.
Qu’est-‐ce qui dérange autant le pouvoir dans ce rapport, fouillé, documenté et argumenté ?
Le fait qu’il prenne le contrepied de la politique du gouvernement et du MEDEF, et de la loi Travail ?
En effet, le rapport démontre, chiffres à l’appui qu’augmenter le recours aux heures supplémentaires détruit des emplois.
La loi TEPA de Nicolas Sarkozy (baisse de la fiscalité des heures sup et assouplissement) aurait ainsi supprimé 50 000 à 90 000 emplois (pp. 70 – 72).
Combien la loi Travail en supprimera-t-elle, avec la majoration des heures supplémentaires à 10% contre 25 à 50% aujourd’hui ?
Ensuite, le rapport démontre que la flexibilité interne et externe existe déjà en France et a beaucoup augmenté depuis 20 ans (travail de nuit, le dimanche, explosion des CDD, annualisation, forfaits jours…).
Pas besoin donc d’en rajouter avec la loi Travail.
Ce rapport confirme que les 35h ont permis de créer 350 000 emplois directs, sans compter ceux liés au temps libéré et aux loisirs.
Ce alors que vient de sortir un nouveau rapport, sénatorial, démontrant le coût et l’inefficacité de la politique de baisse de cotisations sociales et de fiscalité des entreprises.
Ce rapport sénatorial confirme que le Crédit Impôt Compétitivité Emploi, le CICE mis en place en 2013 par le gouvernement (d’un coût de 20 milliards, soit l’équivalent du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche) n’a eu aucun impact sur l’emploi et n’a ni profité aux PME, ni aux secteurs exposés à la concurrence.
Ainsi, parmi les politiques publiques mises en œuvre ces 30 dernières années, la baisse du temps de travail est le seul dispositif qui permette de créer massivement de l’emploi
Ce rapport tord le cou à certaines idées reçues.
Et démontre notamment que le temps de travail a baissé partout en Europe, et va continuer à baisser du fait des gains de productivité liés à la révolution numérique.
Entre 1998 et 2012, la baisse moyenne du temps de travail de l’ensemble des salariés a même été plus importante en Allemagne (‐ 13,5%) qu’en France (‐12,9%).
Reste à trancher les modalités de cette baisse de temps de travail : une baisse du temps de travail subie et payée par les salarié-es (et d’abord les femmes), avec les temps partiels, la précarité et le chômage ?
Ou une baisse du temps de travail planifiée, sans perte de salaire et payée grâce aux gains de productivité ?
Enfin, ce rapport fait des propositions originales et innovantes, proches pour certaines de celles de la CGT, et notamment :
La mise en place d’une réduction du temps de travail à 32h, au volontariat, financée par le redéploiement de 3% du pacte de responsabilité (1 milliards d’euros).
Les rapporteurs reconnaissent que cette mise en place au volontariat créerait beaucoup moins d’emplois que celle qui serait générée par une mise en place obligatoire, mais retiennent cette mesure dans un premier temps, pour « apaiser le débat sur la réduction du temps de travail »
Une mesure de réduction du temps de travail spécifique pour les cadres, avec un encadrement des forfaits jours de façon à ce que le temps de travail ne puisse pas dépasser 44h hebdomadaires (40% travaillent plus de 49h !).
En effet, la mission IGAS relève que le pourcentage de cadres en France est beaucoup plus faible que chez nos voisins européens, alors que nous avons un taux de diplômé‐es de l’enseignement supérieur élevé (pp.92 – 94).
Partager le temps de travail des cadres permettrait de baisser le temps et la charge de travail qui sont trop élevés, et d’ouvrir des perspectives d’emploi aux jeunes diplômés.
Des propositions pour lutter contre les temps partiels de moins de 80% du temps plein, pour lutter contre les inégalités F/H, avec la mise en place d’outils pour renforcer les multi-employeur par exemple
Une politique de réduction du temps de travail sur la vie entière, avec le renforcement des dispositifs de préretraite à 60 ans, des congés spécifiques pour personnes âgés dépendantes et du Compte personnel d’activité par exemple.
Des propositions qui ont donc le mérite de relancer le débat sur la réduction du temps de travail, et devrait être replacées au cœur du débat public.
Un bémol : en occultant la question du coût du capital et du partage des richesses, le rapport part du postulat que pour être efficace, la réduction du temps de travail ne doit pas entraîner d’augmentation du « coût du travail », et doit être compensée par des exonérations de cotisations et des mesures de flexibilité interne.
Pour la CGT, la réduction du temps de travail est non seulement un outil de création d’emploi, mais aussi un levier pour redistribuer les richesses du capital vers le travail.
Elle doit donc être financée de façon différenciée en fonction de la taille de l’entreprise et de la part des dividendes dans la valeur ajoutée.
Reste en attendant que le redéploiement du pacte de responsabilité (40 milliards d’euros soit 2 points de PIB), dont l’inefficacité en matière de création d’emploi est maintenant démontrée, suffirait largement à financer la mise en place des 32h sans surcoût pour les entreprises !
Message au gouvernement :
il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !
A bon entendeur…